Farah Malek-Bakouche est spécialiste des politiques internationales à UNICEF Canada. 

En 2014, le monde a été témoin de l’enlèvement de plus de 276 étudiantes dans leur école située dans la ville de Chibok, dans le nord-est du Nigéria, déclenchant un vaste mouvement de solidarité sur les médias sociaux au cœur duquel des célébrités ont exhorté les gouvernements du monde entier à agir. Nous voulions les faire libérer, leur permettre de vivre leur enfance comme tous les enfants – toutes les filles – devrait avoir le droit. Pourtant, plus de quatre ans se sont écoulés, et plus de 100 « filles de Chibok » sont encore portées disparues. Pire encore, 110 autres filles ont été enlevées en février 2018 à Dapchi, dans le nord-est du Nigéria, et cinq d’entre elles ont perdu la vie.

Le quatrième anniversaire de l’enlèvement des filles de Chibok le mois dernier vient tristement rappeler que les droits des enfants de cette région du Nigéria sont méprisés, et que leur droit à une vie normale, à une éducation et à vie une heureuse est bafoué. Malheureusement, le conflit qui sévit dans la région du lac Tchad (le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Nigéria) s’est fait connaître en raison de la tragédie de Chibok, mais la région était en proie à un conflit depuis bien longtemps déjà, les hostilités sévissant depuis plus de neuf ans maintenant. En 2017, 2,3 millions de personnes ont été déplacées dans la région, dont 1,3 million d’enfants.

Des enfants fréquentent l'école à Banki
[© UNICEF/UN0126108/Bindra]

Les incidents de Chibok, et de Dapchi plus tôt cette année, sont uniquement les exemples les plus médiatisés d’une pratique qui est très répandue et qui se poursuit. En effet, l’enlèvement d’enfants dans la région continue d’être beaucoup trop courant.

Il n’y a aucune fin en vue pour le conflit dans la région du lac Tchad, au mouvement insurrectionnel Boko Haram ou aux histoires d’horreur de toutes sortes. Et, comme toujours, les enfants sont les premières victimes.

Des enfants fréquentent un espace d'apprentissage temporaire dans le camp pour personnes déplacées de Muna Garage, au nord-est du Nigéria.

À UNICEF Canada, nous croyons que tous les enfants, partout dans le monde, ont droit à une éducation et nous sommes déterminés à leur offrir cette possibilité. 

Le droit d’être en sécurité à l’école et à la maison

Les écoles sont des lieux où les enfants doivent se sentir en sécurité, où ils peuvent apprendre, jouer et espérer un meilleur avenir. Imaginez un instant seulement qu’un matin ensoleillé votre fille quitte la maison pour aller à l’école, mais que le soir venu elle ne revienne pas, parce qu’elle et ses camarades de classe ont été enlevées Ou encore, imaginez que votre enfant dort paisiblement alors que des insurgés attaquent votre village, tuent tous les hommes et enlèvent les jeunes et les enfants qui n’ont pas réussi à s’enfuir à temps.

Ces histoires horribles sont une réalité pour beaucoup trop d’enfants et de familles, et ce, depuis trop longtemps.

Boko Haram mène une campagne de terreur systématique, kidnappant des filles et des garçons pour les enrôler de force. Ces enfants sont forcés de nettoyer, cuisiner et aller chercher de l’eau ou du bois pour le groupe d’insurgés. Bon nombre de garçons âgés seulement de 13 ans sont contraints à exercer des fonctions plus actives, comme transporter les munitions et les combattants dans les zones de combat, ou sont forcés de devenir des combattants eux-mêmes.

Esther tient son enfant dans ses bras.
[© UNICEF/UN0118456/Sokhin]

Les filles, en particulier, sont victimes des pires formes de violence, se voient attribuer des « époux » et sont forcées de se marier, puis violées. L’histoire d’Esther est typique de ce que vivent les filles : « Lorsque Boko Haram a attaqué mon village, Gowza, j’étais à la maison parce que j’étais malade. J’ai essayé de m’enfuir, mais ils ont tiré sur moi et m’ont enlevée avec d’autres filles et des jeunes enfants. Nous étions un groupe de filles enfermé dans une pièce lorsque l’Émir est entré. J’ai commencé à crier parce qu’il voulait me prendre pour me vendre à un de leurs dirigeants. Six mois plus tard, j’étais mariée et enceinte. »

Ceux qui refusent d’obéir sont drogués et forcés à devenir des bombes humaines. Depuis janvier 2014, 117 enfants, dont plus de 80 % de filles, ont été utilisés dans le cadre « d’attentats-suicides » au Cameroun, au Tchad, au Niger et au Nigéria. En date du mois de mars 2017, 27 enfants avaient été forcés à de telles pratiques dans le nord-est du Nigéria seulement.

Ces enfants se sont fait voler leur enfance de la manière la plus brutale, ont été dépossédés de leur droit d’être en sécurité et de recevoir une éducation.

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[© UNICEF/UN0126513/Bindra]

Quel sort attend ces enfants?                                             

Même lorsqu’elles réussissent à s’enfuir ou qu’elles sont libérées, le cauchemar n’est pas fini pour ces victimes qui tentent de reconstruire leur vie brisée. Lorsqu’elles retournent dans leur communauté, qui a souvent également été touchée par le conflit, leur sort est incertain. Les enfants font face à de la méfiance, à de la discrimination et à de la persécution à leur retour. Les filles qui reviennent dans leur communauté avec des enfants nés en captivité sont souvent rejetées, tandis que celles directement associées aux forces armées ont peur d’être stigmatisées, voire d’être exposées à des représailles violentes, et peuvent être placées en détention par les autorités locales.

L’UNICEF et ses partenaires travaillent sur le terrain en fournissant du soutien psychosocial aux enfants qui ont été détenus par Boko Haram et travaillent également avec les familles et les communautés pour encourager l’acceptation des enfants à leur retour.

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[© UNICEF/UN0126512/Bindra]

Ces enfants sont souvent perçus comme coupables de leurs actes, alors qu’ils sont les victimes d’un conflit sans fin. Leur permettre de guérir de ces traumatismes et leur réinsertion sociale devraient être une priorité, et ils devraient demeurer dans un environnement civil. Souvent séparés de leur famille ou non accompagnés, ils méritent de recevoir des soins et d’être protégés.

Il est important que ces enfants sentent que leur avenir est porteur d’espoir, que les garçons et les filles sentent qu’ils ont le pouvoir de changer les choses. Non seulement l’éducation peut mettre un terme aux cycles de pauvreté et de violence, mais elle permet aux enfants, en particulier les filles, d’acquérir la capacité nécessaire de redéfinir les normes axées sur le genre,  et de promouvoir la paix et la réconciliation. L’éducation offre une plateforme essentielle à la protection des filles contre la violence et l’exploitation.

Aidons-les à retrouver leur enfance.

UNICEF Canada, en collaboration avec des organisations de la société civile mondiales, exhorte le Canada de faire, à l’occasion du Sommet du G7, une Déclaration soulignant l’importance de l’éducation et l’autonomisation des filles lors de situations de crise. Apprenez-en plus et découvrez comment vous pouvez contribuer à offrir à chaque fille et chaque enfant, un avenir prometteur.