Écrit par Andrew Brown, UNICEF Kenya

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Sharlyne est une jeune fille vive et avenante de 14 ans, qui vient de terminer l’école primaire pour filles de Nabulon, à Lodwar, où l’UNICEF a installé l’année dernière un système d’alimentation en eau fonctionnant à l’énergie solaire. Depuis trois ans, le comté est en proie à la sécheresse qui a fait périr une grande partie du bétail dont les familles dépendaient. La semaine dernière, enfin, des averses de pluie sont tombées de façon dispersée. Le sol reste sec et sablonneux, mais les arbres commencent à ressusciter et leurs branches, timidement, à verdir. C’est un moment fragile pour le comté.

Sharlyne est grande pour son âge et ne peut plus se servir de la corde à sauter qu’elle a chez elle. Elle aime visionner des dessins animés et les films de Bollywood. Au moment de rencontrer l’UNICEF, elle est d’abord timide, mais elle ne tarde pas à se délier, claquant des doigts et riant en faisant visiter l’école à l’équipe. « Voici les réservoirs. Ils contiennent 10 000 litres chacun, dit-elle en pointant du doigt deux grands réservoirs d’eau juchés sur une plateforme élevée, à laquelle on accède par une échelle métallique. C’est beaucoup d’eau. Une fois remplis, les réservoirs peuvent fournir de l’eau pendant trois mois. Ensuite, ils recommencent à pomper. »

Le système d’alimentation en eau à énergie solaire a fait une énorme différence pour Sharlyne et ses camarades de classe. « Avant la construction du puits, nous allions puiser l’eau à la rivière, poursuit-elle. Mais la présence des crocodiles nous faisait peur. L’eau insalubre rendait les élèves malades. Une fois, je suis tombée si malade que j’ai dû aller à l’hôpital pendant deux semaines. Je me sentais terriblement mal. J’ai manqué beaucoup d’heures de cours. »

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Sharlyne nous amène ensuite découvrir le potager de l’école, où poussent citrouilles, chou frisé et épinards, entouré d’une clôture basse tissée de paille et de petites branches. « C’est notre jardin potager, dit-elle, nous n’en avions pas auparavant ». Sharlyne emprunte au gardien un boyau d’arrosage et se met à arroser les plantes. Le boyau n’étant pas assez long, elle place son pouce sur le bec pour comprimer le débit et faire jaillir l’eau plus loin en fontaine. « Vous voyez, c’est très amusant, s’exclame-t-elle. Nous aimons beaucoup arroser les plantes. »

Enfin, au point d’eau, Sharlyne est fière de nous montrer la qualité de l’eau potable. Elle se penche, ouvre le petit robinet en bronze qui émerge d’un bloc de béton, et met ses mains en coupe pour récupérer l’eau. « L’eau est si claire et si pure, dit-elle. C’est comme ça qu’on la boit si on n’a pas de tasse. Elle a tellement bon goût. Essayez-la! »

Sharlyne arrose les citrouilles dans le potager de l’école.
Sharlyne arrose les citrouilles dans le potager de l’école.


Bien qu’elle semble heureuse aujourd’hui, Sharlyne a eu la vie dure ces dernières années. Elle vit avec sa tante Sophia et deux jeunes cousins. Sophia prend soin de Sharlyne depuis que sa mère est morte en couches, et elle l’appelle maman. Pendant la sécheresse, Sophia a perdu son emploi à l’hôpital ainsi que tout son bétail. C’est à ce moment que des membres de sa famille, venant de régions pastorales, sont arrivés dans la ville de Lodwar à la recherche d’un emploi. Ils ont emménagé avec la famille, ce qui a exercé encore plus de pression.

« Voilà trois ans qu’il n’a pas plu suffisamment, explique Sophia. J’avais cinq chèvres, mais elles sont toutes mortes et j’ai maintenant du mal à concocter les repas. Les enfants s’endorment parfois le ventre vide. Il m’arrive de travailler à laver des vêtements pour gagner de 200 à 300 shillings kenyans. Sinon, je reste à la maison. Pendant la sécheresse, cinq membres de notre famille sont venus vivre avec nous parce que leurs animaux n’avaient plus de pâturage. J’avais encore plus de monde à nourrir. Au souper, je devais parfois m’abstenir de manger, parce qu’il n’y avait tout simplement pas assez de nourriture pour tout le monde. »

Malgré ces difficultés, Sophia a privilégié l’éducation de Sharlyne tout au long de la sécheresse. « J’ai essayé d’inscrire Sharlyne au pensionnat, mais je n’en avais pas les moyens, poursuit-elle. Je me suis alors jointe à un groupe bancaire communautaire avec d’autres femmes et j’ai économisé suffisamment pour payer le premier trimestre de l’école secondaire. Je suis heureuse et pleine d’espoir pour Sharlyne. Si elle peut accéder à des études, cela ouvrira des portes pour moi et pour le reste de la famille. »

À son école, Sharlyne a également constaté l’impact de la sécheresse quand les filles ont cessé de se présenter en classe. « Certaines de mes amies ont dû abandonner l’école à cause de la pauvreté, explique-t-elle. Elles ont été forcées au mariage précoce ou sont tombées enceintes. Maintenant, elles ne peuvent plus retourner à l’école. Je suis très triste pour elles. J’ai cru que j’allais devoir abandonner l’école moi aussi, mais ma mère a réussi à faire en sorte que je puisse poursuivre mes études. »

 

Sharlyne, chez elle avec sa tante Sophia, qu’elle appelle maman.
Sharlyne, chez elle avec sa tante Sophia, qu’elle appelle maman.

Le soutien de l’UNICEF

Grâce au soutien de l’Agence coréenne de coopération internationale (KOICA), l’UNICEF a installé 56 systèmes d’alimentation en eau à énergie solaire dans des écoles du comté de Turkana, permettant ainsi à plus de 112 000 personnes, dont Sharlyne, d’avoir accès à de l’eau salubre. Cela fait partie de la réponse de l’UNICEF à la sécheresse, provoquée par les changements climatiques.

L’énergie solaire permet de creuser un puits plus profond que les pompes manuelles, offrant ainsi un accès à l’eau potable tout au long de l’année. La pompe de l’école primaire pour filles de Nabulon fournit également de l’eau potable au centre de santé voisin et à la communauté avoisinante. Outre le système d’approvisionnement en eau, l’UNICEF a également aidé l’école à construire un dortoir, afin que les filles dont les familles migrent à la recherche de pâturages puissent être hébergées à l’école plutôt que d’abandonner leurs études.

« L’UNICEF a apporté une aide précieuse à notre école, explique Rebecca Lotonia, directrice de l’école de Nabulon. Par exemple, l’UNICEF nous a formés à une campagne d’inscription. Jusqu’à présent, nous avons mobilisé cinq villages pour permettre aux filles de reprendre l’école. À leur retour, elles reçoivent un sac à dos de l’UNICEF et des serviettes hygiéniques, ce qui contribue à ce qu’elles poursuivent leurs études. Nous sommes aussi reconnaissants pour le puits de forage et l’eau potable. »

Sharlyne remplit un seau d’eau potable à l’école primaire de Nabulon.
Sharlyne remplit un seau d’eau potable à l’école primaire de Nabulon.

L’UNICEF soutient également le gouvernement du Kenya dans sa lutte contre les changements climatiques qui, selon les prévisions, entraîneront à l’avenir des sécheresses plus graves et plus longues, comme celle que le Turkana vient de connaître. Le Kenya se classe déjà au 49e rang sur 163 selon l’indice de risque climatique de l’UNICEF, qui répertorie les pays en fonction des risques que les changements climatiques font courir aux enfants, notamment les conditions météorologiques extrêmes, le fardeau des maladies et la privation d’occasions favorables.

« Les changements climatiques constituent une crise des droits de l’enfant ils ont déjà un impact sur la santé et la nutrition des enfants, et ces effets s’intensifieront à l’avenir, affirme Mahboob Ahmed Bajwa, responsable du programme d’eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH) de l’UNICEF au Kenya. Cela signifie que les personnes vivant dans les comtés arides et semi-arides du Kenya, comme le Turkana, doivent s’adapter à une situation où les sources d’eau sont moins fiables. Les systèmes d’alimentation en eau à énergie solaire font partie de la réponse au sens large de l’UNICEF à ce problème, tout comme les barrages de sable et l’éducation relative au climat. »