Par Sara Awad et Proscovia Nakibuuka Mbonye.

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[© UNICEF/UN0856164/Mohamdeen]

« Plus de balles de fusil. Une rose pour chaque enfant. »

Tels sont les mots puissants prononcés par Majd, dix ans, durant une séance d’intervention psychosociale offerte par l’UNICEF et ses partenaires.

Cela fait maintenant 100 jours que des milliers d’enfants ont été contraints de quitter leur foyer en raison du conflit qui a éclaté au Soudan le 15 avril dernier. Majd est l’une d’entre eux.

Même si ces enfants continuent à trouver de nouvelles maisons, des amis et des façons de composer avec la nouvelle réalité, beaucoup vivent avec les cicatrices de leur terrible expérience. Sans soutien spécialisé immédiat, les conséquences porteront atteinte à leur bien-être. Fournir du soutien psychosocial et des soins de santé mentale demeure un volet essentiel de l’intervention d’urgence de l’UNICEF au Soudan. Cela aidera non seulement à renforcer la résilience des enfants pour se rétablir du stress et des traumatismes subis, mais leur permettra aussi de survivre et de mieux s’épanouir.
 

Majd ne parle guère. Elle continue à souffrir d’épisodes de retours en arrière après avoir survécu à une attaque armée qui a été fatale pour deux de ses plus proches amies, Sarah et Asrar. 
[© UNICEF Sudan/2023/Mohamdeen]

 


Activités amusantes et salutaires

Aux premières heures du matin, dans un lieu de rassemblement à Madani qui accueille plus de 3 000 personnes déplacées, en majorité des femmes et des enfants, des enfants participent à des jeux et à des activités ludiques offertes par l’UNICEF et ses partenaires. Par des séances de dessins et de coloriage, ils expriment ce qu’ils ressentent face au conflit et à l’impact sur leur vie. Cette activité réunit des enfants tout jeunes et plus vieux. Au moyen de feutres de couleur pour mieux communiquer leur histoire, la majorité participe. Les plus petits gribouillent. Il s’agit d’une activité où la participation est valorisée.

Les mères surveillent de loin tout en demandant aux facilitateurs d’encourager leurs enfants à s’exprimer, à communiquer et à faire part de leurs émotions. Elles savent que cela fait partie du chemin vers la guérison.

« J’ai ma fille. Elle dessine bien. Elle est tellement silencieuse. Elle a besoin de communiquer et de socialiser. Elle a souffert d’un traumatisme à la suite de ce que nous avons subi, notamment les tirs incessants à la maison, déclare la maman de Majd.
 


L’UNICEF a capté les faits saillants de ces séances, par les voix et les dessins de certains enfants.

Majd ne parle guère. Elle continue à souffrir d’épisodes de retours en arrière après avoir survécu à une attaque armée qui a été fatale pour deux de ses plus proches amies, Sarah et Asrar.


« Elles attendaient à la grille la voiture qui les transporterait hors de Khartoum quand une bombe a explosé tout près, les fragments transperçant leurs corps. Elles sont toutes deux mortes en route, à défaut de trouver une unité de secours, se rappelle-t-elle.

D’un air triste, Majd sourit en voyant les crayons de couleur et le papier. Sans réfléchir, elle s’empare d’un crayon et se met à dessiner. Son dessin est celui d’un soldat brandissant un fusil avec une fleur qui sort du baril. Plus tard, elle explique ce que signifie son dessin : « Plus de balles de fusil. Une rose pour chaque enfant. »

Aujourd’hui, Majd souhaite que Khartoum retrouve la paix et que le conflit cesse pour qu’elle puisse retourner avec sa famille dans leur maison. « Je m’ennuie de mon chat et de mes livres. »

« Je souhaite aussi que chaque enfant touché par cette guerre s’en sorte plus fort. »

Fatima a dessiné un tank militaire. Pourquoi?  – « À cause de la guerre. J’ai vu un tank et des soldats en chemin vers une autre ville. Il y avait des combats. Chez moi, j’entendais des tirs et des bombes », dit-elle.
[© UNICEF Sudan/2023/Mohamdeen]

Fatima a dessiné un tank militaire. Pourquoi? – « À cause de la guerre. J’ai vu un tank et des soldats en chemin vers une autre ville. Il y avait des combats. Chez moi, j’entendais des tirs et des bombes », dit-elle.


Originaires de Khartoum, Fatima et sa famille ont fui les conflits à deux reprises, laissant tout derrière elles – abandonnant d’abord Khartoum, puis Kosti. Elles se sont maintenant installées à Madani, qui est beaucoup plus calme, selon elle.

« Mes amies Omnia, Fatuma et Farida, mes jouets et mes poupées me manquent. J’aimerais tant que la guerre cesse. Je veux rentrer chez moi. »

"Nous nous sommes réveillés au son des coups de feu comme on le voit aux informations", raconte Ahmed.
[© UNICEF Sudan/2023/Mohamdeen]


Une nuit, alors qu’Ahmed dormait profondément, il a été réveillé par des coups de feu. Ce jour-là a marqué le début du conflit dans sa ville natale, conflit qui se poursuit à ce jour. « Nous nous sommes réveillés en entendant le tir des fusils comme on peut le voir aux nouvelles », dit-il.

Quand la situation s’est aggravée, Ahmed et sa famille n’ont eu d’autre choix que de partir. « Nous avons ramassé nos biens puis sommes allés dans la rue en quête d’un autobus. C’est l’autobus qui nous a amenés ici. »

« En route, nous avons croisé des corps morts et l’odeur était si intense qu’elle est restée dans l’autobus jusqu’à notre arrivée », explique Ahmed.

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Des enfants déplacés participent à des activités psychosociales dans un centre de rassemblement à Madani. [UNICEF/UN0856165/Mohamdeen]

Derrière chaque enfant touché par le conflit au Soudan, il y a une voix et un dessin qui en disent long. Les expériences que ces enfants ont subies causent stress et traumatismes. Par des activités ludiques, comme le coloriage et le dessin, on les aide à guérir et à composer avec la situation. Grâce à de simples conversations et par le partage d’expériences, on les accompagne tout au long du processus de guérison – une journée à la fois.

L’UNICEF et ses partenaires continuent à veiller aux soins en santé mentale et au soutien psychosocial en fournissant des services dirigés par la communauté, adaptés au contexte particulier, et mis en œuvre avec la participation des enfants touchés, leurs proches aidants et leurs familles.

« Ce dessin est pour chaque enfant touché par la guerre », s’est exclamée Majd à la fin de l’activité.