Par Charlotte Glennie, spécialiste des communications, UNICEF Australie. Charlotte a récemment participé à une mission à Cox’s Bazar, au Bangladesh. Voici son témoignage.

Le nombre de réfugiés rohingyas vivant maintenant au Bangladesh, l’une des nations les plus pauvres d’Asie, a doublé en quelques semaines, passant de 400 000 à plus de 800 000. Les personnes réfugiées y sont arrivées en grand nombre, traversant la frontière à pied ou en bateau, profondément traumatisées et fuyant une violence extrême.

Assis dans le confort de nos salons au Canada, cette situation provoque des scènes inimaginables et difficiles à concevoir. Il n’y a tout simplement pas de mots pour décrire la souffrance humaine dont nous sommes témoins ici. Les enfants réfugiés comptent pour plus de la moitié des nouveaux arrivants. Ces enfants sont accompagnés de parents désespérés. Après avoir entendu ce qu’ils ont enduré et ce qu’ils continuent de subir, je prie la communauté internationale de porter attention à cette crise afin que ces enfants ne soient pas oubliés.

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Shahida, âgée de 18 mois, est l’une de ces enfants. Lorsque nous avons rencontré sa mère Shamseda et son père Ayob, ils n’avaient pas dormi depuis 24 heures. Ils n’avaient pas mangé, ils étaient donc affamés et complètement épuisés. Quelques jours auparavant, ils avaient installé leur abri temporaire sur une parcelle marécageuse séparée de la route principale du camp de réfugiés Kutupalong par une dangereuse rivière. Les réfugiés rohingyas, désespérément à la recherche d’un endroit où dormir, avaient construit un pont en bambou au-dessus de cette rivière à haut débit. Ils le traversaient plusieurs fois par jour, car ils avaient besoin d’aide de toute urgence.

Puis, une nuit, une pluie torrentielle est tombée.

« Au milieu de la nuit, l’eau a inondé le camp et nous ne pouvions plus nous déplacer. Nous nous sommes tenus debout toute la nuit en portant notre fille à bout de bras », raconte Ayob.

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En moins d’un mois, des milliers de familles comme celle de Shahida ont monté des abris de bambou et de plastique sur cette petite parcelle de terrain, créant un camp temporaire connu sous le nom de Rubber Garden.

Nous l’avons visité deux jours auparavant et nous y avons rencontré une famille qui n’avait rien mangé de la journée : Nuramkis, sa belle-sœur, leurs trois enfants âgés de moins de trois ans et son père de 72 ans. Nuramkis s’inquiétait surtout pour ses enfants. Je suis moi-même mère et il est impossible de ne pas se mettre à la place d’une autre mère qui ne peut pas poser un geste aussi fondamental que de nourrir ses enfants.

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Le désespoir s’intensifie à Rubber Garden avec la mousson qui amène des pluies cruelles et incessantes.

« J’ai passé la nuit debout en raison de la pluie. Dans l’obscurité de la nuit, nous avons aménagé un espace surélevé en ajoutant de la terre. Nous nous tenions debout avec notre bébé, mais l’eau continuait de monter jusqu’au-dessus de nos genoux. Nous n’avons pas dormi de la nuit », m’a raconté Toyab, le père de Sanjida, âgée de 18 mois.

« À mesure que l’eau montait, j’avais de plus en plus peur. Nous avons attaché notre bébé à mon époux avec un bout de tissu. J’ai pleuré toute la nuit », raconte Ranabegun, la mère de Sanjida.

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Ces deux familles, et des milliers d’autres comme elles, doivent trouver un nouvel endroit où dormir. En attendant, ils vivent dans ce que nous ne pouvons qualifier que de misère abjecte, sur le bord d’une route extrêmement fréquentée.

Les enfants sont si près du bord de la route que certains ont même été blessés par les voitures et les camions de provisions conduits par des personnes qui y transitent et qui tentent tant bien que mal de leur venir en aide. Mais lancer des vêtements par les fenêtres des voitures n’est pas ce dont ont le plus besoin les 421 000 personnes réfugiées arrivées ici, dont 240 000 enfants. Près de 1400 de ces enfants ont traversé la frontière seuls, sans la compagnie d’un parent ou d’un autre adulte.

Ce dont ils ont le plus besoin maintenant est de la nourriture, de l’eau potable, des médicaments et d’un endroit sécuritaire où se protéger contre la pluie et le trafic d’enfants. Et ils ont besoin de tout cela immédiatement pour éviter que la situation d’urgence dans laquelle se trouvent ces enfants se transforme en crise dans la crise.

Pour leur venir en aide, les agences d’aide comme l’UNICEF s’activent jour et nuit. Mais nous serons bientôt à court d’approvisionnements et les dons de la communauté internationale arrivent au compte-gouttes. Le monde fait face à tant de crises en ce moment qu’il est difficile de déterminer à quel groupe on doit venir en aide en priorité.

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En collaboration avec le gouvernement du Bangladesh et ses partenaires sur le terrain, l’UNICEF procède rapidement à la vaccination de 150 000 enfants désespérés contre des maladies très contagieuses comme la rougeole, la rubéole et la poliomyélite. Nous leur donnons, ainsi qu’à leurs parents, de l’eau potable et des fournitures essentielles, comme du savon, de la poudre à lessive et des contenants pour l’eau. Pour les enfants, nous installons des espaces conviviaux avec des jouets simples où ils peuvent jouer en toute sécurité.

Nous devons aussi offrir de l’espoir à ces enfants qui ont tant souffert. L’espoir que les jours, les mois et les années à venir seront meilleurs que ceux qui ont amené tous les traumatismes et les épreuves qu’ils ont déjà subis dans leurs courtes vies.


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