Billet de blogue rédigé par Anna Riatti, coordonatrice des interventions auprès des migrants et des réfugiés en Italie pour l’UNICEF.

Je pense que la plupart des gens vivant et travaillant en Italie n’ont pas vraiment compris ce qui se passait quand le gouvernement [italien] a proclamé l’état d’urgence le 31 janvier 2021. On ne savait rien sur la COVID-19.

Nous avons soudainement commencé à recevoir des appels téléphoniques d’amis et de collègues de partout dans le monde, qui s’inquiétaient pour notre santé et celle de nos familles respectives. Comme le nombre de personnes touchées et de décès continuait d’augmenter, l’OMS a déclaré qu’il s’agissait d’une pandémie mondiale. Puis [du 9 mars au 18 mai], le pays s’est retrouvé en confinement total.

Le 31 mars, l’Italie a déclaré une journée de deuil national. [À ce moment-là], il y avait plus de 115 000 personnes positives au test de dépistage de la COVID-19 et près de 14 000 personnes étaient décédées – plus de décès que dans tout autre pays au monde.

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[© UNICEF/Stefano De Luigi]

À la télévision, on voyait des travailleurs de la santé affronter des situations catastrophiques jour après jour, tentant désespérément de travailler au mieux dans un système de santé mis à rude épreuve. On entendait l’histoire de personnes dont les proches étaient décédés, la plupart du temps des membres âgés de leur famille. En Italie, les personnes âgées sont des piliers de la société pour les adultes et les enfants. La dévastation que nous avons vécue et ressentie est sans précédent pour ma génération, mais je suis consciente qu’il y a beaucoup de choses pour lesquelles je peux être reconnaissante.

Je dirige actuellement les activités de l’UNICEF en collaboration avec le gouvernement italien et des organisations de la société civile pour aider à assurer la protection et l’inclusion des enfants migrants et réfugiés qui ont débarqué en Italie. La grande majorité de ces enfants et jeunes sont arrivés par la route migratoire du bassin méditerranéen central, réputée comme étant dangereuse. 

Chaque jour, je vois les effets du travail de l’UNICEF en Italie auprès des enfants migrants et réfugiés en cette période d’urgence sanitaire due à la COVID-19, et tous les ajustements qui sont nécessaires pour s’adapter à cette nouvelle réalité. 

La pandémie expose ces enfants à des risques accrus. En Italie, ces enfants comprennent des filles et des garçons non accompagnés, des jeunes migrants et réfugiés, ainsi que des familles avec de jeunes enfants. Ceux qui se trouvent en dehors du système officiel sont particulièrement vulnérables, et ont un accès limité aux soins de santé, à l’information sanitaire et aux services de soutien. Cependant, en travaillant en collaboration avec les partenariats gouvernementaux existants, les ONG et le secteur privé, nous sommes en mesure de poursuivre notre travail.

Nous soutenons les équipes sur le terrain, qui pratiquent des tests de dépistage, distribuent des produits d’hygiène et diffusent de l’information aux enfants et aux familles vulnérables vivant dans des camps précaires. Ces travailleurs sur le terrain mettent leur santé en danger pour assurer que ce travail se poursuive. 

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[© UNICEF/Saturnino]

Nous parvenons à fournir aux jeunes réfugiés et migrants des informations d’ordre sanitaire, par le biais de séances U-Report on the Move ou Facebook Live. Mais, nous avons beaucoup de mal à procurer les fournitures essentielles comme des équipements de protection personnelle et des trousses d’hygiène au personnel de santé et aux travailleurs sociaux.

Nous offrons des conseils et un soutien psychologique à distance aux réfugiés et migrants, par téléphone ou en ligne. Ce service s’étend aux tuteurs et aux familles d’accueil qui ont besoin d’être soutenus et aidés pour mieux gérer le stress.

À ce jour, ce sont les jeunes qui se sont avérés être nos meilleurs partenaires 
Depuis le premier jour de l’état d’urgence, les jeunes avec lesquels nous travaillons ont soutenu nos efforts en diffusant des messages de prévention, en communiquant avec les communautés et en faisant la promotion du respect de la distanciation physique auprès de toutes les personnes se trouvant sur le territoire italien. 

Les jeunes se sont vus demander par leurs pairs de « rester à la maison » (souvent dans des centres d’accueil), certains envoyant même des messages inspirants à leurs pairs tant en Italie que dans leurs pays d’origine. Leur engagement civique est le résultat d’un investissement dans les jeunes migrants et réfugiés, qui constituent une énorme ressource dont les sociétés pourraient grandement bénéficier.

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[© UNICEF/Stefano De Luigi]

Il est extrêmement difficile de trouver le bon équilibre entre le travail et la vie de famille
Quand le gouvernement a imposé les restrictions, nous n’avons pu poursuivre nos actions qu’en travaillant de chez nous. À l’ère des modalités de travail assouplies et du décuplement des outils technologiques disponibles, il est de plus en plus difficile de séparer le travail de la vie privée. Il est extrêmement ardu d’organiser son temps tout en devant jongler avec les besoins et les émotions des enfants bloqués à la maison et les exigences du travail important que nous faisons à l’UNICEF pour les enfants.

Il est essentiel de se soutenir les uns les autres
Nous avons tous des façons différentes de gérer ces nouveaux défis. Certains d’entre nous ont vécu diverses situations d’urgence, d’autres s’inquiètent pour leurs amis et membres de leur famille et d’autres encore sont eux-mêmes tombés malades. Nous avons tous de bons jours et de mauvais jours; et il est devenu naturel pour nous d’apporter notre soutien aux autres. Cela a été rassurant d’avoir un réseau de pairs, des personnes sur qui il est possible de compter et avec lesquelles on peut échanger des conseils et des idées. Le fait de discuter de ces difficultés avec l’équipe et de pouvoir se confier a été particulièrement bénéfique quand on se sentait mal préparé ou peu équipé pour faire face à la situation. À de nombreux égards, cette crise a renforcé les liens au sein de notre équipe.

Les choses ne seront plus jamais les mêmes. Cette crise aura d’énormes répercussions sur notre société; on voit déjà des jeunes qui viennent d’avoir 18 ans perdre leur emploi, et d’autres qui vont bientôt accéder à la majorité ne pouvant renouveler leur permis à cause de retards dans le système judiciaire. Cette crise exacerbe également les traumatismes du passé : certains jeunes migrants et réfugiés se sentent isolés et frustrés, certains subissent des discriminations, ou se voient refuser de l’information, tandis que les filles sont plus à risque de subir des violences accrues de la part de leur partenaire et ont un accès limité aux services dont elles ont besoin.

Je puise ma force dans la résilience des gens de l’Italie et dans leur capacité d’adaptation; je pense en particulier à la jeune génération, dont les jeunes migrants et réfugiés font partie, qui se bat pour poursuivre l’interaction entre pairs, le réseautage, l’acquisition de compétences et les cours – malgré toutes les privations – dans l’espoir constant que l’Italie leur offrira les opportunités recherchées.


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