Ce blogue a été écrit par deux étudiantes universitaires. Bien qu’il ait été initialement publié dans un seul billet de blogue, nous avons fait le choix éditorial de le scinder en deux parties. Pour lire la deuxième partie, cliquez ici.

Nous nous appelons Sal et Aisha et nous sommes toutes deux étudiantes de première année à l’université. Tout le monde souffre d’un quelconque problème de santé mentale, mais presque personne n’en parle. Il est tellement facile de s’absenter du travail en raison d’un problème de santé physique, que ce soit à cause d’une fièvre ou d’une grippe, mais nous n’entendons jamais un employé dire qu’il a besoin d’une journée de congé parce qu’il est incapable de se lever à cause d’une crise d’anxiété ou de panique. 

La maladie mentale fait encore l’objet d’une importante stigmatisation. À un point tel que certains parents vont même jusqu’à préférer que leur enfant passe à travers une leucémie plutôt qu’une dépression clinique. Reconnaître tout d’abord l’existence des maladies mentales, et reconnaître que la santé mentale est aussi importante, sinon plus, que la santé physique, est le point de départ pour sensibiliser le public à la lutte contre pareille stigmatisation.

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L’histoire de Sal

Je m’appelle Sal. Je suis reconnue comme étant une personne très extravertie et enjouée. En gros, je suis une adolescente typique qui aime tout ce se rapporte de près ou de loin à manger et dormir. Mes livres préférés sont Mille soleils splendides de Khaled Husseini et Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur de Harper Lee. Oh et j’oubliais un fait important : je ne suis pas fan du iPhone… LONGUE VIE AUX SAMSUNG!

Maintenant que vous en savez un peu plus sur moi, laissez-moi vous présenter d’autres caractéristiques à mon sujet qui sont en lien avec mon histoire. Je suis arrivée au Canada en sixième année. L’un des aspects les plus difficiles de mon parcours a été de m’ajuster à mon nouvel environnement. À l’école, les autres élèves ne m’invitaient jamais à jouer avec eux; je faisais donc ma petite affaire dans mon coin. Ce n’était pas amusant, mais c’est ce qui arrive quand tu es la petite nouvelle. Grâce à tout ce temps passé seule, j’ai découvert que j’adorais vraiment les mathématiques. J’avais toujours été bonne en mathématique, mais maintenant, je voulais plus : je voulais réellement exceller dans ce domaine. Naturellement, toute personne qui est passionnée par quelque chose travaille très fort pour s’améliorer afin de devenir meilleure.

J’ai réalisé que les mathématiques pouvaient servir de moyen pour établir des liens avec mes camarades de classe parce que je pouvais les aider avec leurs questions. Lentement, tout le monde a commencé à me parler, particulièrement lorsque les gens avaient besoin d’aide en mathématiques. Au fil du temps, j’ai fini par être connue comme la « bollée » de l’école. Pour moi, qui a grandi dans une culture où chacun rivalise pour obtenir les meilleurs résultats, me faire appeler la « bollée » était très spécial. Cependant, j’ai souvent été victime d’intimidation et mes parents étaient mes seuls véritables confidents. On me traitait de tous les noms ou on riait de mon accent. Ultimement, je me suis fait une amie que j’appelais « Solitude », qui était là chaque fois que j’avais besoin d’elle. Ma seule et véritable amie. J’ai appris que peu importe ce que nous faisons et ce que nous disons, il y aura toujours des gens toxiques qui tenteront de nous rabaisser. J’ai donc appris à m’en sortir seule.

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Un jour, alors que j’étais en onzième année, j’ai réalisé que mes jours d’absence totalisaient deux mois. Or, la plupart de ces jours d’absence, je n’avais pas de raison pour rater mes cours. Mon entourage a commencé à me traiter de paresseuse, d’irresponsable ou de ratée. Le plus étonnant dans cela est que je n’avais absolument aucune raison de me sentir ainsi. Je ne voulais tout simplement parler à personne alors que j’avais pourtant toujours été très extravertie, que j’adorais faire de nouvelles rencontres et que j’aimais apprendre de nouvelles choses. À un certain moment, j’ai commencé à avoir de très mauvais résultats scolaires. J’étais incapable de dormir la nuit. Je me sentais presque trop fatiguée pour faire quoi que ce soit. J’étais constamment drainée et épuisée. Et le pire dans tout ça est que je détestais maintenant les mathématiques. Je me sentais exténuée comme jamais à la simple idée de faire des mathématiques. Malgré des résultats scolaires désastreux, j’ai réussi à passer en douzième année.

J’ai revu ma vieille amie Solitude. Peu de temps après, j’ai rencontré son cousin Dépression et j’ai été obligée de devenir amie avec lui aussi. Même si je n’avais jamais rencontré Dépression auparavant, j’ai commencé à me tenir avec lui chaque jour. Peu importe l’heure, peu importe où je me trouvais, Dépression était toujours là pour moi, ou plutôt avec moi, devrais-je dire. J’étais clouée au lit. J'étais incapable d'aller nulle part. Je détestais le soleil. Je haïssais chacun des aspects de ma vie. Lorsque je suis entrée à l’école secondaire, j’ai décidé que je ne retournerais plus jamais à mon école primaire.

Dans les films, le personnage principal réussit toujours à faire quelque chose d’héroïque malgré tous les obstacles qui se présentent à lui. Je voulais, à mon tour, que ma triste histoire ait une belle fin, mais ce dénouement heureux ne s’est jamais produit. Chaque fois que je tentais de parler à quelqu’un de mon état, on me disait simplement de me secouer. Je pensais toujours que quelque chose clochait chez moi, que j’étais simplement « étrange ». Lorsqu’on me demandait ce que je faisais pour m’amuser, je ne savais pas quoi répondre parce plus rien ne me réjouissait. Je n’acceptais plus aucune invitation à sortir, juste parce que je voulais passer plus de temps seule à ne rien faire et à parler de tout ce qui clochait chez moi. Lentement, j’ai réalisé que j’étais incapable de prendre un quelconque engagement. Au début de chaque journée, je me disais « À compter d’aujourd’hui, je… » et je me couchais chaque soir avec un sentiment d’échec parce que je n’arrivais tout simplement pas à reprendre le dessus. 

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Je regardais tout le monde autour de moi en pensant que j’étais en train de me noyer et que personne ne pouvait le voir. Je me noyais mais je gardais le sourire devant mes camarades de classe. Parfois, je me sentais à bout de souffle et personne ne le voyait. Mon entourage me considérait encore comme la fille heureuse et enjouée que j’étais, mais personne ne voyait le vide, le trou béant qui s’était creusé en moi. J’ai pris conscience après un certain temps que je ne faisais que fréquenter ma vieille amie et son cousin.

Même si j’ai reçu un diagnostic clair de dépression clinique de la part de mon médecin, mes parents pensaient que j’inventais une maladie pour attirer l’attention. Chaque jour, je souhaitais que les choses changent, mais rien ne changeait. Parmi toutes les épreuves auxquelles j’ai dû faire face, la pire situation a été pour moi lorsque j’ai tenté de tout expliquer à mes parents alors que je n’avais aucune idée de ce qui n’allait pas chez moi; je ne savais pas comment expliquer le vide que je ressentais ou cette sensation d’être à bout de souffle. Mes parents m’ont demandé d’aller à des fêtes ou de participer à des programmes, mais j’étais incapable de leur expliquer à quel point je n’avais aucun intérêt pour quoi que ce soit.      

Je vois la vie comme un magnifique train, qui va toujours vers l’avant, puis sans crier gare, s’arrête parce que les rails sont brisés sur une certaine distance. À ce moment, si je ne transporte pas mon propre train pour le remettre sur les rails, je crois que je ne me rendrais nulle part. Je suis actuellement en première année à l’université. Tant de choses ont changé. Lorsque je rencontre de nouvelles personnes, je laisse encore une première impression de fille enjouée et je tente de ne pas présenter mon vieil ami Dépression à quiconque. J’ai rencontré d’autres personnes qui ont également reçu un diagnostic de dépression, mais je sens toujours que ma relation avec mon ami Dépression est plus profonde et plus intime que les autres.

Je suis encore ici aujourd’hui. Je suis toujours en processus de rétablissement. Je ne suis peut-être pas l’héroïne de mon histoire pour l’instant, mais je ne pense pas non plus que mon histoire devrait se terminer pour autant.

Je prends une pause dans la rédaction de mon histoire. J’ai encore beaucoup de pages à écrire. Même si mon histoire ne se termine pas comme un conte de fées, je pense qu’elle vaut la peine d’être lue, puisqu’elle est le reflet de mon authenticité et de ma singularité.

En vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, les jeunes ont le droit de faire part de leur opinion, d’être pris au sérieux par les adultes et de s’exprimer de manières différentes, à moins de se causer du tort ou de causer du tort à autrui. UNICEF Canada respecte les points de vue des jeunes qui s’expriment sur leurs perceptions et leurs connaissances du monde qui les entoure, et leur fournit diverses occasions par l’entremise de nos billets de blogue rédigés par de jeunes invités pour l’initiative #EnfantsAuCanada et d’autres plateformes.


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