Ce blogue a été écrit par deux étudiantes universitaires. Bien qu’il ait été initialement publié dans un seul billet de blogue, nous avons fait le choix éditorial de le scinder en deux parties. Pour lire la deuxième partie, cliquez ici.

Nous nous appelons Sal et Aisha et nous sommes toutes deux étudiantes de première année à l’université. Tout le monde souffre d’un quelconque problème de santé mentale, mais presque personne n’en parle. Il est tellement facile de s’absenter du travail en raison d’un problème de santé physique, que ce soit à cause d’une fièvre ou d’une grippe, mais nous n’entendons jamais un employé dire qu’il a besoin d’une journée de congé parce qu’il est incapable de se lever à cause d’une crise d’anxiété ou de panique. 

La maladie mentale fait encore l’objet d’une importante stigmatisation. À un point tel que certains parents vont même jusqu’à préférer que leur enfant passe à travers une leucémie plutôt qu’une dépression clinique. Reconnaître tout d’abord l’existence des maladies mentales, et reconnaître que la santé mentale est aussi importante, sinon plus, que la santé physique, est le point de départ pour sensibiliser le public à la lutte contre pareille stigmatisation.

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Aisha: voici mon histoire

Je débuterai par où tout a commencé. Au début de ma première année à l’université, je me trouvais devant un monde de possibilités : étudiante exemplaire, j’avais été acceptée dans mon programme de premier choix et j’étais accompagnée de tous mes amis du secondaire. J’avais vraiment l’impression que l’université allait être un jeu d’enfant grâce à tout le soutien dont je bénéficiais.

Or, ce qui allait se passer était à des années-lumière de ce à quoi j’aurais pu m’attendre. Tout d’abord, j’ai été très surprise de me retrouver dans des classes de 1 500 étudiants; je me sentais sans importance chaque fois que j’entrais dans ces locaux. Je n’étais qu’une petite voix dans une foule gigantesque et nous devions mémoriser, mémoriser et mémoriser chaque mot prononcé par le professeur. Ensuite est arrivée l’atroce et injuste période des examens. Pour la première fois de ma vie, j’ai échoué à un examen. Et je ne pouvais rien y changer parce que je n’étais qu’une petite voix sans importance.

Après cet épisode, les échecs ont commencé à s’accumuler et ce fut le début d’une longue spirale de perte d’estime. Je ne me suis jamais considérée comme quelqu’un qui détermine sa valeur personnelle d'après ses résultats scolaires. Mais étant donné que les gens autour de moi étaient impressionnés par le fait que j’avais été admise dans une université renommée et que j’étais reconnue pour mon intelligence, la pression pour obtenir aisément une moyenne de 4.0 était très forte.

Pour empirer les choses, mes amis avaient des résultats exceptionnels dans les cours où moi, j’éprouvais de la difficulté. Alors, plutôt que de demander de l’aide, je me suis renfermée sur moi-même. J’ai commencé à éviter mes amis pour ne pas avoir à parler de mes résultats. J’avais peur d’être jugée inférieure à eux ou de susciter de la pitié si je leur parlais de ma situation. J’étais tellement triste que j’ai perdu toute motivation.

C’était un sentiment totalement nouveau pour moi; ça ne ressemblait pas du tout à de la procrastination. C’était plutôt comme une force impossible à vaincre. Ce n’était pas comme remettre un devoir à plus tard, mais finir par le faire parce qu’on tient à avoir de bons résultats. Non. Je voulais simplement dormir et je me moquais éperdument d’obtenir un zéro pour un devoir.

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Après plusieurs moments pénibles à me sentir complètement dépassée, la semaine de relâche est arrivée. Sans cette semaine, je ne pense vraiment pas que j’aurais pu me sortir de cet immense trou que j’avais creusé pour moi-même. J’ai eu l’occasion de revoir des amis avec qui je n’allais pas à l’université et qui m’ont aidé à comprendre que personne n’était là pour me juger. Ils m’ont fait comprendre que tout le monde vit des hauts et des bas et que personne ne me jugerait à cause de cela. J’ai simplement aimé la vie durant cette semaine. J’ai été en mesure de renouer avec moi-même spirituellement, et j’ai pensé à ce que j’avais plutôt qu’à ce que je n’avais pas.

Grâce à cette période salvatrice, j’ai été capable de terminer ma première session. Après toute cette adversité, j’étais loin de me douter que j’allais devoir faire face à un autre combat seulement quelques mois plus tard. Depuis octobre, mon frère consulte un médecin pour traiter ses problèmes d’anxiété. En janvier, je l’ai vu passer à travers une attaque de panique en n’ayant absolument aucune idée de ce qui lui arrivait. Je crois que je n’étais pas prête à accepter le problème de santé mentale de mon frère comme j’aurais dû l’être. Je pensais qu’il ne cherchait qu’à attirer l’attention. Il semblait toujours rechercher la sympathie de la part de tout le monde parce qu’il PARLAIT TOUJOURS DE SON ÉTAT.

Je pense que j’avais de la difficulté à l’accepter parce que je l’avais toujours considéré comme un petit frère en bonne santé qui n’avait aucun souci. Il va au cégep le matin et le soir, et il joue à des jeux sur sa Xbox One avec ses amis. Je n’avais pas pris conscience que N’IMPORTE QUI peut vivre de l’anxiété. Effectivement, nous avons tous des problèmes qui, bien qu'ils puissent sembler sans importance pour d'autres, semblent insurmontables pour nous.

Plus tard au cours du mois de janvier, j’ai eu une sensation étrange de serrement au niveau de la poitrine et de l’estomac, semblable à ce que l’on ressent avant une présentation. Or, je n’avais aucune présentation à donner; j’étais simplement couchée sur mon lit en train de regarder des vidéos sur YouTube. Mon cœur s’est mis à battre très rapidement pour aucune raison. J’étais troublée et effrayée. Instinctivement, j’ai donc ordonné à mon cœur de ralentir, ce qui n’a pas aidé. C’est comme si j’avais peur, mais pour aucune raison. Lorsque j’ai parlé à Sal de ce que je vivais, elle m’a confirmé qu’il s’agissait bel et bien d’une crise d’anxiété.

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Je ne sais vraiment pas trop comment l’expliquer, mais je dirais que la stigmatisation entourant pareil trouble m’a fait sentir comme si la situation était bien pire qu'elle ne l’était réellement. On dit que l’anxiété est causée par le stress. Or, chaque fois que j’avais ces crises, je n’étais stressée à propos de RIEN. Rien dans ma réalité concrète du moins, mais peut-être quelque part dans mon subconscient. La meilleure façon pour moi de gérer la situation pendant une crise était de parler à quelqu’un d’autre de ce qui m’arrivait. J’ai ainsi réussi à diminuer la fréquence des crises et à en atténuer les incidences négatives sur ma vie. Parler de ce qui m’arrivait avait pour effet de rendre le problème minuscule parce qu’il ne s’agissait plus de quelque chose que je tentais de cacher. Je comprends tellement plus aujourd’hui pourquoi mon frère parlait TOUJOURS de son anxiété. Tout comme pour moi, cela devait lui faire le plus grand bien.

Je pense que ces nouvelles expériences de vie ont fait de moi une personne beaucoup plus humble qu’il y a un an. Le fait que j’ai été capable de surmonter ces obstacles me prouve que je suis plus forte que je ne le pensais.

En commençant à avoir des conversations sur l’anxiété avec mes amis, j’ai constaté que ceux qui réussissaient supposément très bien à l’université, ceux que je croyais qui avaient des résultats scolaires exceptionnels, vivaient également de l’anxiété. Les gens que nous connaissons depuis longtemps autour de nous livrent tous leurs propres batailles personnelles. Il ne faut donc pas présumer que leur vie est parfaite.

En parlant avec une amie récemment, elle m’a dit qu’elle vivait des crises d’anxiété depuis qu’elle avait onze ans, mais qu’elle n’a su qu’en douzième année de quoi il s’agissait exactement lorsqu’une amie lui a demandé si elle souffrait d’anxiété. Elle m’a dit que ses crises se produisaient dans des situations où elle se sentait inadéquate ou où elle ne se sentait pas à la hauteur en se comparant aux autres.

Cela montre à quel point nous pouvons être inconscients en matière de problèmes de santé mentale. Les blessures psychologiques sont beaucoup plus difficiles à remarquer que les blessures physiques, mais elles devraient être traitées de la même manière. 

Si j’avais un seul message à vous transmettre, je vous dirais que si vous vivez des choses qui vous semblent anormales, n’acceptez pas tout bonnement votre sort : investiguez et trouvez de quoi il s’agit exactement afin de ne pas rester dans l’obscurité. Apprendre qu’on souffre d’un problème de santé mentale est la première étape vers le rétablissement parce qu’il est ainsi plus facile de trouver des traitements possibles et des moyens de l’atténuer.

En vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, les jeunes ont le droit de faire part de leur opinion, d’être pris au sérieux par les adultes et de s’exprimer de manières différentes, à moins de se causer du tort ou de causer du tort à autrui. UNICEF Canada respecte les points de vue des jeunes qui s’expriment sur leurs perceptions et leurs connaissances du monde qui les entoure, et leur fournit diverses occasions par l’entremise de nos billets de blogue rédigés par de jeunes invités pour l’initiative #EnfantsAuCanada et d’autres plateformes.