Blogue invité de l'ambassadeur d'UNICEF Canada Bayan Yammout.

En observant le camp de réfugiés de Zaatari de l’extérieur, une chose m’est immédiatement venue à l’esprit : comment quiconque pouvait enseigner quoi que ce soit sur le monde extérieur à des enfants vivant dans un camp de réfugiés? Comment les enfants que j’ai vus autour de moi pourraient-ils explorer le monde et développer leur curiosité? J’étais incapable de me l’imaginer.

Des dizaines de milliers d’enfants n’ont jamais quitté Zaatari. La plupart des enfants âgés de sept ans et moins sont nés à l’intérieur du camp. C’est le seul univers qu’ils connaissent; ils n’ont aucune idée de ce qui se passe à l’extérieur des limites du camp.

Ces enfants grandissent en pensant que pour tous les êtres humains : les maisons sont des caravanes, une école est une pièce sombre avec des murs nus, tous les besoins de base, même l’accès à l’eau potable, sont comblés grâce à des gens qui travaillent avec ardeur et qui portent des vestes sur lesquelles figurent un logo, sortir du camp est dangereux et il est normal d’avoir des parents qui parlent d’un pays auquel vous êtes censé appartenir, mais dont vous ignorer tout. Comment un enfant peut-il se construire une identité ou développer un sentiment d’appartenance dans pareilles conditions?

Je ne peux pas imaginer ce qu’ils ressentent et à quoi ressemblera leur avenir dans cinq ans.

Tout ça me rappelle lorsque mes parents me parlaient de Beyrouth avant la guerre. Je détestais ces moments parce que je n’arrivais tout simplement pas à m’imaginer à quoi pouvait ressembler un monde sans guerre. Ma mère nous disait qu’il y avait un cinéma au centre-ville de Beyrouth. Un cinéma? À quoi ça ressemble? Il fait vraiment noir à l’intérieur? Le centre-ville que j’ai connu lorsque j’étais enfant était complètement détruit. C’était une zone interdite. Ça sentait mauvais et j’ai toujours pensé que les lieux étaient hantés par les milliers de personnes qui y ont péri. La première fois que je suis entrée dans un cinéma, j’avais environ 15 ans. Il venait tout juste d’ouvrir ses portes près de mon école. J’étais terrifiée, mais très excitée quand je suis entrée.

Revenons aux enfants de Zaatari. Lors d’une activité au camp, j’ai demandé aux adolescentes qui y participaient ce qu’elles changeraient dans le monde si elles pouvaient. Voici quelques-unes de leurs réponses : « J’arrêterais la corruption », « Je mettrais un sourire sur le visage de tous les orphelins », « Je ferais en sorte que les rêves de toutes les filles deviennent réalité », « J’aiderais les pauvres », « Je retournerais dans mon pays », « Je retournerais en Syrie pour voir mon grand-père » et « Je ferais en sorte que tout le monde vive en paix. »

Les programmes des centres Makani offrent à ces adolescentes un endroit sécuritaire pour s’exprimer et rêver.

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Creating patterns with blocks at a Makani Centre. [© Bayan Yammout]

Je travaille principalement dans le cadre des programmes de soutien à l’apprentissage dans les centres Makani. Dans ces salles de classe, je ne vois rien d’autre que des enfants heureux, drôles, curieux et désireux d’apprendre. Ils posent des questions, participent aux activités et sont des experts pour attirer l’attention! Les intervenants sont également des réfugiés syriens. Malgré le lourd fardeau qu’ils portent sur leurs épaules, ils mettent toute leur énergie et toutes leurs connaissances au service des enfants et des jeunes afin que ceux-ci puissent suivre un programme d’études complet et solide. Les messages sur la protection de l’enfance et les formations sur les compétences nécessaires à la vie courante font partie intégrante des cours de lecture, d’écriture et de calcul qu’ils enseignent… mais je me demande si tout cela est suffisant.

Lorsque l’on enseigne à des enfants dans un camp de réfugiés, je pense qu’il est important de faire entrer le monde extérieur dans la salle de classe. Pour cela, il faut des moyens technologiques, des livres et des tonnes de ressources! Si un élève au Canada me demandait d’où vient le pain, je trouverais des livres et des ressources, je lui montrerais des photos et des vidéos trouvés sur Internet et je pourrais même planifier une sortie dans une boulangerie. Pour nous, les enseignants, il n’y a pas de limite!

Pour les intervenantes et les intervenants des centres Makani (« mon espace » en arabe), l’accès aux ressources est extrêmement limité et dépend fortement de la générosité des donatrices et des donateurs. J’aimerais pouvoir utiliser une baguette magique pour créer dans chaque centre Makani une petite bibliothèque contenant des tonnes de livres illustrés, de romans et d’ouvrages non romanesques. À l’heure actuelle, un seul centre Makani a accès à une bibliothèque et il la partage avec RELIEF International, un partenaire d’UNICEF qui est présent dans ce centre. Deux autres centres ont une petite étagère sur laquelle on retrouve une douzaine de livres. Les dix autres centres n’ont pas de livres.

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A UNICEF schoolbag hangs in a kindergarten classroom in Zaatari. [© UNICEF/UN0263655/Herwig]

La curiosité de chaque enfant des camps de réfugiés de Zaatari (76 602 habitants, dont 42 667 enfants) et d’Azraq (35 860 habitants, dont 21 477 enfants) sera davantage stimulée lorsque les Canadiennes et les Canadiens feront des dons à l’UNICEF et à leurs partenaires. Il est de notre responsabilité, en tant que membres de la communauté internationale, de veiller à ce que ces enfants reçoivent une éducation de qualité et aient accès au monde extérieur. C’est leur droit!

J’aimerais profondément faire comprendre à la population canadienne que, pour ces enfants, le lien avec le monde extérieur dépend fortement du soutien des donatrices et des donateurs. Ma générosité et la vôtre sont essentielles pour donner à ces enfants la possibilité de découvrir le monde.

Lisez la partie 2 du blog de Bayan ici.