Les Rohingyas qui vivent dans les camps pour réfugiées de Cox’s Bazar, au Bangladesh, se préoccupent tout autant des répercussions de la pandémie de COVID-19 que des milliards d’autres personnes dans le monde. Il en va de même pour les familles bangladaises qui vivent à proximité des camps, qui compte quelque 850 000 réfugiés rohingyas qui ont fui le Myanmar voisin. Elles craignent que le système de santé d’une région déjà pauvre ne puisse pas faire face à un virus à propagation rapide.

Cependant, alors que le confinement qui a commencé en mars à l’échelle nationale entraîne un choc économique bien trop familier pour les communautés déjà pauvres, l’obligation de rester chez soi provoque une anxiété chez certains réfugiés qui n’a pas grand-chose à voir avec la COVID-19 elle-même.

De nombreuses femmes et filles étant confinées, nous pouvons nous attendre à une augmentation de la violence sexiste, en particulier de la violence conjugale, de l’exploitation sexuelle et d’autres mauvais traitements.

« Elles ont fui une situation désespérée, et le confinement les rend encore plus sans défense », explique Shumi, qui gère un espace sûr pour les femmes et les filles dans l’un des camps de Cox’s Bazar.

L’UNICEF soutient quinze de ces espaces sûrs dans le district de Cox’s Bazar. Les espaces sûrs offrent généralement des services de protection, comme des consultations de groupe, des cours de formation professionnelle, des cours d’alphabétisation, un soutien psychosocial et des services de gestion de cas. Les services sont offerts aux femmes et aux filles rohingyas et bangladaises qui sont vulnérables et qui ont survécu à la violence sexiste, au trafic d’êtres humains, au mariage précoce et à d’autres pratiques préjudiciables. Toutefois, en raison du confinement à l’échelle nationale et de l’arrêt temporaire des services « non essentiels », les espaces sûrs ont dû fermer, et ne peuvent plus fonctionner comme avant.

FERMER, MAIS PAS IGNORER

La majorité des signalements de violence sexiste dans les camps de réfugiés rohingyas en 2019 ont été faits par des femmes, et les incidents se sont généralement produits chez la survivante ou chez l’auteur des actes de violence. Dans les deux cas, d’autres membres de la famille sont généralement présents, ce qui indique une menace supplémentaire : l’effet psychologique sur les enfants et les jeunes qui sont souvent témoins des actes de violence.

Malgré le confinement national, les services de gestion des cas, de soutien psychosocial et d’aiguillage vers les services de santé et de sécurité sont toutefois maintenus pour aider ces femmes et ces filles qui ont besoin de soutien.

« Les gens ont peur parce qu’ils craignent que les services et les soins cessent. Mais nous sommes toujours là, et cela aide énormément », explique Shumi.

Au centre où travaille Shumi, cinq femmes bénévoles et cinq dirigeantes du centre effectuent régulièrement des visites à domicile dans la communauté voisine. Pendant les visites, les bénévoles fournissent des renseignements sur les mesures de protection à suivre pour empêcher la propagation de la COVID-19, tout en respectant les directives de distanciation physique.

Le porte-à-porte ne concerne pas seulement la COVID-19; il permet également aux bénévoles de sensibiliser les personnes aux services de réponse à la violence sexiste qui sont offerts et d’expliquer comment les survivantes d’actes de violence peuvent y avoir accès. Les renseignements divulgués aux bénévoles sont transmis en toute sécurité à une ou un gestionnaire de cas pour un suivi approprié afin de garantir que les survivantes d’actes de violence obtiennent l’aide dont elles ont besoin.

« Nous essayons de fournir le plus de renseignements possible à la communauté », ajoute Shumi.

Gertrude Mubiru, une spécialiste de la violence sexiste de l’UNICEF à Cox’s Bazar, reconnaît que la prévention de la COVID-19 est actuellement au centre des efforts humanitaires autour des camps. Cela ne signifie cependant pas que de l’aide n’est pas offerte aux femmes et aux filles qui en ont besoin, d’autant plus que l’UNICEF continue de surveiller un certain nombre de problèmes de protection qui affectent les femmes et les filles rohingyas et bangladaises.

« Bien que les activités de groupe aient été suspendues dans les espaces sûrs pour les femmes et les filles [pour minimiser la propagation du coronavirus], des services essentiels sont maintenus pour répondre aux besoins individuels des nouvelles survivantes d’actes de violence, et de celles qui sont déjà suivies », explique madame Mubiru.

La pandémie de COVID-19 représente un réel défi pour les communautés vulnérables comme les Rohingyas. Mais si les communautés de réfugiés veulent éviter une crise silencieuse de violence sexiste, des programmes de protection comme ceux-ci doivent demeurer une priorité.

Les programmes de lutte contre la violence sexiste sont financés conjointement par les gouvernements du Canada, de l’Allemagne (par l’entremise de la Banque de développement de KfW), de la République de Corée, du Japon et du ministère britannique du Développement international (DFID), ainsi que par la Coopération suisse au développement (SDC), l’Agence des Nations Unies pour les migrations et l’Office for Foreign Disaster Assistance de l’Agence américaine pour le développement international.