Arrivé au Honduras tôt le matin du 29 avril, David s’est rapidement mis au travail avec des collègues du bureau du Honduras. Ensemble, ils ont parcouru la frontière entre le Honduras et le Guatemala en empruntant les routes irrégulières de migration prises par des familles et de jeunes migrants qui fuient le pays.

Les paysages entre le Honduras et le Guatemala, autour de la ville de Corinto, sont vraiment magnifiques. Du côté du Guatemala, des collines verdoyantes mènent jusqu’aux montagnes qui donnent sur une plaine côtière. On peut y voir des cowboys rassembler les chevaux au lasso dans les champs déserts qui s’étendent à perte de vue. Les paysages du Honduras détonnent. Ici, la route est parsemée de petits kiosques qui vendent de la nourriture en plein air et la police militaire patrouille l’autoroute : c’est ici que les Honduriens traversent la première frontière lors de leur périple vers le nord.

L’endroit est étrange. La frontière relève presque de la fiction. Il y a bien sûr une barrière en bonne et due forme où traversent les automobiles et les camions, mais 250 mètres avant la traversée officielle, une piste descend de l’autre côté des collines. Les migrants un plus nantis paieront des « coyotes » (passeurs de clandestins) qui les feront traverser au Mexique, et peut-être même jusqu’aux États-Unis. Le montant que perçoivent les passeurs comprend l’argent liquide pour couvrir les pots-de-vin pendant le voyage.

Je vois des gens avancer péniblement le long de l’autoroute. On peut reconnaître les migrants à leurs espadrilles et leurs sacs à dos. Aujourd’hui, il y a une grève générale pour protester contre le sous-financement du réseau scolaire et tout semble s’être arrêté, sauf la marche infatigable des gens vers la frontière.

Rencontre avec de jeunes migrants: la faim ou la mort

Dans l’un des casse-croûtes, je passe une demi-heure à discuter avec trois jeunes hommes, Fabricio, Alex et Daniel. C’est la troisième fois que Fabricio tente de rejoindre des membres de sa famille qui sont au Mexique. « J’ai été déporté deux fois. La troisième fois, ils vous envoient en prison pour quelques mois », explique-t-il.

Je lui demande : « Pourquoi veux-tu traverser? » 

C’est de toute évidence un garçon intelligent et débrouillard, conscient que la chance ne joue pas en sa faveur.

« Ici, au Honduras, c’est la faim ou la mort. Soit vous n’avez pas assez à manger parce que vous ne pouvez pas dénicher un emploi décent, soit vous devez vous joindre aux gangs et finir par vous faire tuer », m’a-t-il expliqué.

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David a rencontré plusieurs jeunes Honduriens avant qu’ils ne traversent la frontière.

Le niveau de violence ici est ahurissant. Le Honduras se classe toujours parmi les trois ou quatre pays les plus violents au monde, et le trafic de drogue y contribue largement. Il faut savoir que 80 % de la cocaïne qui entre aux États-Unis passe par ici. Si la violence est une bonne raison de partir, il n’en existe guère plus pour rester. Le chômage et la pauvreté sont élevés. Le système public de santé s’est pratiquement effondré et maintenant, c’est au tour du réseau de l’éducation d’être menacé.

Daniel est le plus jeune et le plus nerveux des trois. Il doit parfois dormir à la belle étoile derrière les stations d’essence ou sous les arbres. On voit qu’il a peur. « Je ne sais ni lire ni écrire, mais je suis habile de mes mains. J’aimerais apprendre à réparer des choses. Je pourrais peut-être décrocher un emploi », me dit-il.

« Tout ce que je veux, c’est avoir les moyens de me marier, fonder une famille et ne plus avoir peur. Si Dieu le veut, j’y arriverai », ajoute Fabricio. Et c’est à ce moment que ces garçons – car ils ne sont encore réellement que des garçons – quittent et entament l’escalade du sentier dans les collines.

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David visite une zone près des frontières, là où plusieurs migrants font la traversée.

Le pays semble envahi par le pessimisme. La plupart des gens n’y voient aucun avenir. Quelle autre raison pousserait des familles entières à partir de chez eux en laissant tout derrière dans des conditions aussi désespérées? Alors que je suis attablé avec les trois garçons, je vois de nombreuses familles déambuler péniblement, toutes avec leurs sacs à dos et leurs espadrilles. Les Honduriens savent bien que les chances de réussite, d’abord d’atteindre le Mexique, puis les États-Unis, sont minces, voire inexistantes. Malgré tout, ils choisissent quand même de partir.

« La vie est impossible ici. Je choisis la loterie de l’exode », me confie un homme qui a été déporté du Mexique au Honduras avec ses trois jeunes enfants. « Je vais encore une fois tenter de sortir ma famille d’ici. »

Santé, éducation, violence: s'attaquer aux problèmes à la source

Mark Connelly, le représentant de l’UNICEF au Honduras, m’explique : « Il faut s’attaquer à la source des problèmes. Si nous pouvons prolonger un peu la scolarisation des enfants, ils seraient moins tentés de partir à 12 ou 13 ans. Si nous pouvons travailler avec les forces de l’ordre et les communautés pour réduire le taux d’homicides, alors les gens auraient moins peur. Si nous pouvons aider les municipalités à offrir de meilleurs services médicaux, alors les plus démunis pourraient recevoir des soins de santé. Si nous pouvons aider le Honduras à mettre sur pied une meilleure structure de protection de l’enfance... », Sa voix s’éteint. Peut-être réalise-t-il l’ampleur de la tâche à laquelle il s’attaque.

« Nous sommes à l’œuvre dans près de 40 communautés et villes, ici, près de la frontière. Elles sont prêtes à faire quelque chose pour ne pas perdre leurs jeunes. C’est pourquoi nous mettons sur pied des programmes et ferons tout ce que nous pouvons pour les familles. »

L'UNICEF est présent au Honduras, au Guatemala, au Salvador et au Mexique afin d'aider les enfants touchés par la violence et la pauvreté. Faire un don >>

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