Par Patrick Flynn

BANGUI, République centrafricaine, le 21 mars 2014 – Par un dimanche matin ensoleillé du mois de janvier, des airs de chants de Noël aux accents reggae s’échappent du monastère de Boy-Rabe, dans la capitale de la République centrafricaine. Un camp qui est situé sur une colline abrite près de 40 000 personnes ayant fui les conflits; Bangui est déchirée par la violence depuis le mois de décembre.

Avec les affrontements entre les différents groupes, qui ont visé des civils, dont de nombreux enfants, une large part du pays est devenue invivable. Certaines familles ont fui, et d’autres se sont réunies dans des camps de personnes déplacées, comme celui de Boy-Rabe.

En savoir plus sur le conflit (en anglais).

Petula

Ce matin, certains résidents font sécher leur linge à côté des latrines, et d’autres font cuire le riz qui constituera leur repas de la journée. Le prêtre qui célèbre la messe prêche un message de paix et de réconciliation à une foule attentive.

Après la messe, Petula Bokandi, âgée de 17 ans, se repose près de l’abri de fortune de sa famille. Elle est à Boy-Rabe depuis plus d’un mois. La nuit, elle dort sur un matelas mince, dehors, sous les étoiles.

« Il fait froid ici. En pleine nuit, il fait vraiment froid. Il n’y a pas de couvertures, et je n’ai pas de moustiquaire. Nous dormons mal, et il n’y a pas assez de nourriture. C’est très difficile pour les enfants », explique-t-elle.

Petula a des frères et sœurs, et elle est bien consciente des risques auxquels ils sont exposés. « Ici, le paludisme est partout », affirme-t-elle.

Les enfants en danger

Le déplacement et l’insécurité engendrent de nombreux risques pour les enfants de la République centrafricaine. La détérioration des conditions de sécurité a séparé des enfants de leur famille, de leur communauté et de leur école. Dans les camps, ils sont confrontés aux maladies, à la malnutrition, à la violence et au recrutement dans les groupes armés, ces groupes armés qui les avaient d’ailleurs initialement forcés à fuir leur foyer. Les écoles sont fermées.

Petula et d’autres enfants vivant la même chose qu’elle passent leur journée à effectuer des petites tâches pour leur famille, et à chercher des moyens de se faire un peu d’argent pour pouvoir acheter à manger. L’UNICEF et ses partenaires distribuent des biens essentiels, des produits nutritionnels, des médicaments, des trousses de produits d’hygiène, et des moustiquaires aux familles affectées. Des espaces adaptés aux enfants et des espaces d’apprentissage temporaires ont été mis sur pied. Il s’agit de petites structures permettant d’accueillir un enseignement informel et des activités récréatives pour les enfants. La demande est très grande.

Petula a de nombreuses responsabilités. Elle n’a pas pu profiter de ces ressources.

Retour à la maison

En janvier, après une amélioration des conditions de sécurité dans son quartier, Gobongo, Petula a décidé de quitter Boy-Rabe et de rentrer chez elle. Elle y partage une pièce, qui sert également de cuisine, avec ses deux sœurs. Un énorme trou dans le toit laisse passer la pluie, et un peu de soleil.

« Nous dormons beaucoup mieux ici, mais il n’y a toujours rien à manger, » explique Petula.

« Les voisins ne sont pas vraiment revenus. Leur maison a été brûlée; ils n’ont pas de foyer où revenir habiter », raconte-t-elle.

Petula et 11 de ses frères et sœurs travaillent au jardin. Ils cultivent des bananes, du manioc, et des légumes.

Malgré une légère amélioration en matière de sécurité, Petula explique qu’elle a toujours peur, et qu’elle ne s’éloigne pas de la maison. Elle travaille au jardin. Si elle parvient à obtenir de l’argent, elle osera peut-être sortir pour acheter quelque chose à ses jeunes frères et sœurs.

Plus elle manque l’école, plus son rêve de devenir trésorière ou banquière s’évapore.

Le message de Petula à ceux qui se battent est le suivant : « Il faut arrêter de se battre et recommencer à aller à l’école dans notre pays ». Peu de temps après avoir prononcé ces mots, un groupe de 30 jeunes miliciens passe à côté de sa maison.

Les conditions de sécurité en République centrafricaine sont instables et imprévisibles, à Bangui et dans tout le pays. L’école de Petula est toujours fermée.

21 mars 2014 :

Alors que le nombre de personnes déplacées a baissé au cours des dernières semaines, 190 000 personnes environ se trouvent encore sur 57 sites autour de Bangui. La crise actuelle a des conséquences profondes sur la région de l’Afrique centrale; environ 313 000 personnes réfugiées ont fui dans des pays voisins, notamment le Cameroun, le Tchad, la République démocratique du Congo et la République du Congo. Les enfants et les femmes, qui représentent la majorité des réfugiés, sont les principales victimes du conflit et ont un besoin urgent d’aide humanitaire et de protection.