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La situation ici est très étrange. Sommes-nous en train d’assister à une pré-crise humanitaire? Il y a toujours eu de l’émigration au Honduras, mais jamais à ce point. Les écoles et les hôpitaux sont inefficaces, et même le gouvernement du Honduras admet que le pays affiche le plus haut taux d’homicides au monde. Plus de 40 personnes ont été assassinées pendant mon séjour là-bas, et ma visite n’a duré que quatre jours. Il est totalement inacceptable que dans un pays qui n’est pas en guerre, un enfant meure violemment chaque jour.

Le crime organisé, la contrebande et le commerce illicite sont endémiques. À notre passage à la frontière, on pouvait voir une file d’une vingtaine de camions. On nous a dit qu’ils attendent 18 h, après la journée de travail des gardes, pour ensuite rouler vers le nord jusqu’au Guatemala.

Il peut sembler vain d’aider les enfants et leur famille coincés dans cet endroit, mais nous n’avons pas le choix, il faut agir. Ici, l’UNICEF appuie le gouvernement par le biais du Centro Belén, qui constitue le premier point de chute au Honduras des enfants, des adolescents et de leur famille qui ont été déportés depuis le Mexique et les États-Unis.

Nous avons réaménagé le centre il y a quelques années et on y trouve des espaces de jeu pour les enfants et de la nourriture. Nous assumons également les salaires des travailleuses sociales, des femmes engagées et emphatiques, qui aident les rapatriés à réintégrer leur communauté. Elles ne sont que huit et cet endroit accueille 120 personnes par semaine. C’est comme une goutte d’eau dans l’océan. Le gouvernement songe à ouvrir davantage de centres comme celui de Centro Belén; c’est le seul du genre dans le pays. Peut-être adopteront-ils aussi notre modèle de projet pilote pour les travailleurs sociaux?

Un groupe de huit adolescents est réuni dans une salle confortable. Leurs parents ne sont pas encore venus les chercher, ils ont donc le temps de me raconter leur histoire.

« J’étais dans les drogues et des gangs menaçaient de m’assassiner. J’ai été forcé de fuir. Je ne peux pas trouver d’emploi ici. J’ai davantage de possibilité d’en trouver au Mexique. »

De son côté, une jeune fille raconte : « Je vis avec ma grand-mère et je suis enceinte de sept mois. Mon père est aux États-Unis et il me dit que ma vie serait meilleure pour mon enfant là-bas. »

Je lui demande si elle espère avoir un garçon ou une fille. Elle sourit timidement. « Une fille », dit-elle. Elle a 14 ans.

Une rapatriée, Kaylen, est venue au Centro Belén pour me rencontrer. Le quartier où elle vit est trop dangereux pour moi. « Je suis partie à cause de mon fils. C’est un bon garçon et les gangs voulaient le recruter. Il est éduqué, il est brillant et il refusait de se joindre à eux alors ils l’ont menacé de mort. Nous devions partir. Nous nous sommes fait prendre au Mexique et nous avons été renvoyés ici. J’étais très frustrée et en colère. »

Elle fait un geste vers Maria, la travailleuse sociale à ses côtés. « Elle m’a beaucoup aidée à prendre connaissance des programmes dont je n’avais jamais entendu parler. Elle m’a aidée à renvoyer ma fille à l’école et m’a mise en contact avec un groupe de femmes. Je vais de mieux en mieux. »

Et son fils? « Je l’ai encore une fois renvoyé de l’autre côté de la frontière le mois dernier. Je me demande où il est. Tengo que salvar a mi zipote. Il faut que je sauve mon fils », explique-t-elle.

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Je comprends mieux à quoi font face les travailleurs sociaux ici après une rencontre avec Hipolito et sa mère, Doña Miriam. Ils vivent en bordure de San Pedro, où ils louent une baraque dans une communauté de squatters, accessible par un sentier escarpé. Maria l’a aidée à trouver cet endroit et a communiqué avec une école de métiers pour Hipolito.

Doña Miriam s’est fait des amis ici et gagne un peu d’argent en faisant la cuisine dans des kiosques le long de la route. Le visage d’Hipolito est animé, tour à tour sérieux et souriant. « Je suis vraiment heureux d’être de retour à la maison. Mon père nous a abandonnés, ma petite sœur et moi. Je voulais donc partir et ramasser assez d’argent pour acheter une maison pour ma mère. »

Doña Miriam confie : « J’avais si peur pour lui. Je ne savais pas où il était. »

Je pose alors une question vraiment idiote. Surtout assis devant une petite bicoque dans un bidonville, où tout le monde est au courant de tout et où les murs ont des oreilles.

« Vous êtes partis pour trouver du travail, mais qu’en est-il de la violence dont j’entends parler? Que se passe-t-il avec les gangs? »

Leurs visages perdent immédiatement toute expression, figés, et leurs yeux s’écarquillent. Ils chuchotent. « Nous ne pouvons pas parler de ça », dit fermement Doña Miriam.  Ma question stupide met abruptement fin à notre échange jusque-là décontracté.

De l’extérieur, on accuse ces gens de tous les maux alors qu’ils ne veulent qu’être en sécurité. Les vagues de migrants honduriens suscitent la panique dans les pays prospères, alors que tout ce qu’ils veulent, c’est un emploi décent. Ces gens résilients et créatifs, ces enfants en quête d’espoir qui ne parviennent pas à le trouver ici, sont ceux et celles que nous pouvons, et que nous devons, aider.  Il faut trouver le moyen d’y arriver.

L'UNICEF est présent au Honduras, au Guatemala, au Salvador et au Mexique afin d'aider les enfants touchés par la violence et la pauvreté. Faire un don >>

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