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Je suis maintenant dans l’avion pour rentrer à la maison. Le contraste entre le fait d’être ici, à survoler des familles qui se déplacent péniblement vers le nord, et l’absurdité et l’injustice de notre monde me paraissent encore plus flagrantes. J’ai en poche un passeport canadien qui me permet de franchir facilement les frontières. Je suis éduqué. Mes enfants et petits-enfants sont en santé et grandiront en sécurité au Canada.

Tranquillement, je vais m’habituer, comme les autres, à cette injustice. Les disparités dans la distribution des ressources à l’échelle mondiale ne semblent pas si terribles vues de loin. Vues des 9 000 mètres d’altitude où je me trouve, et vues depuis notre position de Canadiens et de Canadiennes de la classe moyenne, par exemple…

Ces injustices sont faciles à oublier lorsqu’on ne les voit pas et qu’on n’y pense pas.

Il serait facile de se laisser envahir par le pessimisme. Ma rencontre avec Hector et Melvin, les plus anciens employés de l’UNICEF au Honduras, m’a rappelé à quel point les choses se sont améliorées dans le pays. Hector et Melvin travaillent pour l’UNICEF depuis plus de 30 ans. Nous avons parlé de ce qui a changé pendant toutes ces années.

« Premièrement, il y a l’espérance de vie des enfants. Le nombre d’enfants qui meurent de causes évitables a chuté de plus de 65 % depuis que j’ai commencé. L’UNICEF a agi comme chef de file de cette révolution en matière de survie des enfants. Nous avons mis en place des programmes de soins prénataux et maternels, des services de planification familiale, l’enregistrement des nouveau-nés et des campagnes de vaccination. Ces progrès ont tout changé pour les enfants. »

Dans le même ordre d’idées, Melvin se rappelle les campagnes de vaccination contre la poliomyélite. « C’était comme des fêtes nationales. Tout le monde venait prêter main-forte : l’armée, le personnel enseignant, les infirmières, les infirmiers… tout le monde. »

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Hector ajoute : « L’autre grande amélioration est celle de l’éducation. Dans les années 1970, seulement 30 % des enfants finissaient leur sixième année, mais aujourd’hui, c’est 90 %. Les inscriptions dans les garderies et dans les écoles secondaires sont encore rares et nous devons continuer d’améliorer la qualité de l’enseignement au niveau primaire, mais c’est mieux qu’avant. »

« Il y a encore plus important. Nous étions habituellement entièrement financés par le biais de l’aide internationale. Aujourd’hui, de plus en plus de ces programmes le sont à partir du budget national, surtout au niveau municipal. Davantage de responsabilités sont prises de ce côté par les gouvernements locaux. » Il s’arrête pendant un moment, puis laisse aller sa frustration, « mais nous sommes toujours la société la plus inégalitaire en Amérique. Trop peu de ressources se rendent jusqu’aux plus pauvres. Ils n’ont pas assez de moyens pour vivre. Les inégalités sont épouvantables. À quoi bon sauver la vie d’une petite fille dès sa naissance quand elle finira par mourir aux mains d’un gang à l’âge de 13 ans? Les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont en ce sens plus sérieux qu’il y a 30 ans. Nous devons changer le cœur et l’esprit des gens. » 

Est-ce que nous y arriverons? Les difficultés pour parvenir à réduire le taux de mortalité infantile et à faciliter l’accès à l’éducation ont été extrêmement difficiles à surmonter. Malgré tout, ce qui semblait au départ impossible a quand même été accompli. Évidemment, les problèmes d’aujourd’hui paraissent plus sérieux parce que la société change et que les citoyens quittent le pays pour fuir la pauvreté et la violence. En campagne, on peut moins compter sur l’agriculture à petite échelle qu’auparavant en raison du réchauffement climatique. Beaucoup d’agriculteurs abandonnent leur ferme.

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D’un autre côté, on voit aujourd’hui au Honduras des gens qui ont bénéficié de meilleurs services de santé et d’éducation que la génération avant eux. On voit des enfants à Potrerillos et Villanueva qui se mobilisent pour rendre leur communauté plus forte. Plusieurs maires de petites localités, partout au pays, travaillent de concert avec l’UNICEF et avec les jeunes pour trouver des alternatives à l’exode des Honduriens. C’est une bataille ardue, mais l’éradication de la poliomyélite au Honduras a également été difficile. C’est seulement aujourd’hui, avec du recul, que nous nous rappelons avoir jadis considéré cette maladie comme inévitable.

Même s’il semble justifié d’être pessimiste au sujet du Honduras, surtout en raison de ce phénomène migratoire qui représente une crise réelle pour les innombrables familles qui entreprennent un dangereux périple, il est possible de bâtir un avenir qui sera différent de la situation actuelle. On le voit chez les enfants, dans leur propre parcours et dans la révolution dont ils ont bénéficié en matière de survie et d’éducation. Le rêve d’un avenir meilleur n’est pas une utopie. Les Honduriens ont fait la preuve qu’ils pouvaient réaliser des changements positifs.

Il existe un Honduras fait d’optimisme, de créativité et d’espoir. Nous avons le choix : croire en une rhétorique déshumanisante de « migrants » et réduire ces enfants à la peur, ou voir un enfant pour ce qu’il ou elle est : un enfant. C’est ce que nous voulons : œuvrer avec ces enfants et leur communauté afin de bâtir un avenir meilleur. Nous avons le choix. Et nous avons le pouvoir d’agir.

L'UNICEF est présent au Honduras, au Guatemala, au Salvador et au Mexique afin d'aider les enfants touchés par la violence et la pauvreté. Faire un don >>

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